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en faveur de don Carlos ; Burat, l’avocat attitré des théâtres, la langue la plus acérée du palais, grand coureur de premières et passionné collectionneur de tableaux ; Sélim Nuño, venu pour voir courir sa jument Mandragore dans la poule des produits, et cachant, sous une gaieté affectée, les angoisses de son amour-propre d’éleveur.

Les femmes étaient Andrée de Taillebourg, Mariette de Fontenoy, Laure d’Évreux, la blonde Sophie Viroflay, toutes portant des noms empruntés aux plus glorieuses batailles de l’histoire de France ou aux stations les plus connues de l’indicateur des chemins de fer. D’ailleurs, les uns et les autres, aimables et généreux, jolies et parées à souhait.

La partie était liée pour la journée entière. On déjeunait chez Clémence. Le mail de Nuño emportait tout le monde au champ de courses. On rentrait faire un peu de toilette, et, à sept heures et demie, on se retrouvait aux Roches-Noires, où Trésorier offrait à dîner à la galante compagnie. Après, on allait en bande au casino, pour faire un tour de valse. Le reste était l’imprévu, qui devait tenir une large place dans le programme, avec ces hommes prompts à la fantaisie et ces femmes faciles au caprice.

— Mes enfants, dit gaiement Duverney, nous commençons la journée ensemble, nous la finirons de même. Seulement, il n’est pas sûr que les femmes, comme dans la chaîne anglaise, n’auront pas changé de cavaliers !

— Dis donc, malhonnête, s’écria Laure d’Évreux, pourquoi donnes-tu le privilège de l’infidélité aux femmes ?

— Parce que c’est pour elles une nécessité professionnelle !

— Grand Dieu ! les croiriez-vous vénales ? interjeta Faucigny, avec des mines effarouchées.

— Il y a des hommes qui le prétendent ! répondit Trésorier.