image de Juliette parut alors, blanche, virginale et douce, Et des larmes de tendresse montèrent aux yeux de Laurier. Sa bouche murmura un aveu, et tout son être frémissant s’élança, à travers l’espace, vers la bien-aimée.
Le lendemain, à neuf heures, le bateau quittait le port, Pierre reconnut le quai, près duquel le Saint-Laurent était à l’ancre, pendant qu’il repeignait son patron de bois sculpté, le môle, le bastion du Dragon, et, successivement, le cap Corse, Giraglia, puis la côte d’Italie. À bord de ce navire, qui marchait avec rapidité, il refit toute la route qu’il avait parcourue sur le petit bateau contrebandier.
À mesure qu’il se rapprochait de la France, son esprit troublé cherchait la raison du brusque rappel que lui adressait Davidoff. Une inquiétude sourde commençait à le travailler, et il redoutait un malheur. Pour qui ? Les termes de la lettre, que le docteur lui avait écrite, après son passage à Torrevecchio, lui revenaient. «Une personne, qui est près de Jacques, a failli mourir de votre mort….» La phrase qui avait tout changé dans sa vie. Était-ce donc Juliette, dont l’état s’était aggravé ? Allait-il arriver pour la voir s’éteindre, au moment où, en elle, résidait son unique espérance ?… Cependant, dans la lettre, il y avait aussi ces mots : «Vous avez passé auprès du bonheur sans le voir… mais il vous est possible encore de le retrouver.» Était-ce que ce bonheur pouvait lui échapper de nouveau ? Si jolie, la jeune fille n’avait-elle pas dû être aimée ? Un autre, pendant qu’il était loin, à soigner la plaie de son coeur dans les solitudes, n’avait-il pas pris sa place ?
Une tristesse profonde s’empara de Pierre, à la pensée que ce recours en grâce, qu’il avait adressé à la destinée, pourrait être repoussé. Une lassitude morale l’accabla, et il comprit que cette déception serait pour lui le coup décisif qui brise