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doit pas savoir. Mais il était dans une veine de jalousie. Il a crié, menacé, pleuré. Oui, pleuré. Que c’est bête ! Un homme qui pleure ne m’attendrit pas du tout. Je le trouve ridicule !

— Vous ne l’aimez donc plus ?

— Mais si. Ah ! bien certainement je ne l’aime plus comme il y a six mois !… Ces passions-là, c’est charmant ; mais il ne faut pas que ça dure, parce que ça serait la ruine. Je suis sérieuse, moi, je sais très bien compter. C’est Nuño qui m’a appris l’arithmétique… Et il m’en a donné pour son argent ! Or, j’ai besoin de quinze mille francs par mois, pour faire rouler ma voiture. Si je m’en tenais, avec le plus joli garçon du monde, à l’amour pur, je serais obligée de vendre mes rentes, et on me mépriserait dans ma vieillesse. Pas de ça, mon bel ami !

— Oh ! je sais que vous êtes une femme pratique…

— Vous croyez me lancer une épigramme, je l’accepte comme un compliment… Oui, je suis une femme pratique, et je m’en vante ! Jacques se conduit très bien avec moi. Il fait les choses fort honorablement. Mais il joue et, depuis quelque temps, il perd. Son caractère s’aigrit, il se tourmente et me tourmente… Pourquoi ? je vous le demande !… Si j’avais assez de lui, je le mettrais, sans façon, à la porte… S’il a assez de moi, qu’il s’en aille… Mais alors quittons-nous proprement, et sans histoires !…

— Faudra-t-il le lui dire ?

— Si vous voulez.

— Mais où le verrai-je ?

— Ici.

— Il n’est donc pas sorti, comme on avait la consigne de me le dire ?…

— Pas sorti du tout. Allez, et faites-lui de la morale.