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— Mais vos forces n’y résisteront pas, dit Davidoff, et vous vous tuerez.

Jacques eut un rire nerveux :

— Croyez-vous que cela soit possible ? Est-ce que je dépends de moi ? Ne suis-je pas poussé par une sorte de fatalité ?

— Prenez garde. Ce raisonnement, qui tient à écarter de vous la responsabilité, est une trop facile excuse de bien des fautes, dit sévèrement le docteur. Vous avez craint de mourir et vous vivez, voilà un fait. Ne lui assignez pas de causes surnaturelles. Vous êtes guéri de la maladie dont vous souffriez. Êtes-vous le premier ? Je vous ai soigné. Faites-moi honneur de votre guérison et n’ajoutez pas foi à des fantaisies pythagoriciennes qui feraient rire un enfant !…

— En riiez-vous à Monte-Carlo, le soir où vous nous avez raconté vos histoires ?

— Eh ! vous, ai-je dit que je croyais à ce que je vous ai raconté ? Nos amis, après un excellent repas, avaient mis le spiritisme sur le tapis, et on parlait, un peu à tort et à travers, de la transmission des âmes… J’ai fait ma partie dans le concert, mais si vous voulez connaître mon opinion réelle : je suis matérialiste. Par conséquent, je ne puis admettre qu’un corps soit vivifié par un élément dont je ne reconnais pas l’existence…

— Comment donc ai-je été sauvé ? dit Jacques d’une voix tremblante.

— Vous avez été sauvé parce que la caverne, que la phtisie avait ouverte dans votre poumon, s’est trouvée heureusement cicatrisée, grâce au traitement que vous suiviez, favorisé par l’influence salutaire du climat… Que voyez-vous, là-dedans, de miraculeux ? Tous les ans, des phénomènes aussi satisfaisants se produisent, sans jeter, dans l’esprit de ceux qui en bénéficient, un trouble mystérieux.