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et moi, au moment où votre banque était le plus vigoureusement attaquée… Vous avez là, cher ami, quelques Anglais qui vous ont livré de rudes assauts…

— Je ne suis pas très heureux, en ce moment, balbutia Jacques.

— C’est ce que ces messieurs disaient à l’instant. Mais, pardon, on m’attend pour tailler. Je vais essayer de vous venger. Tenez, voici Davidoff qui vient à vous.

Il prit place sur la haute chaise, mêla les cartes, fit couper et commença la partie. Davidoff lentement s’était détaché du groupe, au milieu duquel il se trouvait, et s’avançait vers Jacques. En marchant, il l’examinait avec attention. Quand il fut tout près de lui, il lui tendit la main, et, la prenant, plutôt comme un médecin que comme un ami, il la tâta, pour en étudier la souplesse, la chaleur et la nervosité, et la laissant aller avec un hochement de tête :

— Vous avez la fièvre, Jacques, la vie que vous menez est bien mauvaise pour vous.

Les sages paroles, prononcées par le docteur, rompirent le charme que subissait le jeune homme. Il ne vit plus, en Davidoff, le personnage énigmatique, détenteur des secrets par lesquels la vie était revenue dans son corps épuisé, mais un homme bienveillant, semblable à tous les autres hommes. Il recouvra son assurance, et gaiement :

— Elle serait mauvaise pour tout le monde. Cependant, vous le voyez, je n’en souffre pas trop. Mais il fait une violente chaleur ici. Allons prendre l’air, voulez-vous ?

Il mit son paletot et, appuyé sur le bras de Davidoff, il sortit sur la terrasse. Il faisait un temps adorable. La nuit, très douce, était rayonnante d’étoiles. Les flots mouraient, sans bruit, sur le sable de la plage. Au nord, les feux du Havre luisaient dans l’obscurité. Un calme profond régnait. Les