Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/152

Cette page n’a pas encore été corrigée

V

La passion que Clémence inspira à Jacques, fut d’autant plus vive qu’elle avait été plus combattue. Un caprice sensuel jetait la jeune femme et le beau garçon dans les bras l’un de l’autre. Ils s’aimèrent avec rage, avec folie, et dans un exclusivisme absolu, qui mettait une infranchissable barrière entre le monde et eux. Ils vécurent, pendant quinze jours, l’un pour l’autre, l’un près de l’autre, dans la riante villa de la route de Menton, sous les orangers en fleurs du jardin, parmi les divans bas, capitonnés de soie, du salon mauresque.

Le soir, Jacques s’arrachait, à grand’peine, aux séductions de la charmeuse, et rentrait à Beaulieu. Sa mère et sa soeur ne le voyaient plus qu’un instant, le matin, avant son départ. Et, avec une tristesse profonde, Mme de Vignes constatait que le retour inespéré de son fils à la santé avait été le signal de la reprise de sa vie dissipée d’autrefois. Cette vie dévorante, qui l’avait mis si près de sa fin. Elle avait risqué une remontrance, qui avait été accueillie avec un sourire.