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le poussait à éclaircir ce douloureux mystère. Il avait peur de tout ce qui se rattachait à la mort de son ami, et cependant une invincible curiosité l’entraînait. Il voulait savoir, et il tremblait de savoir. Il eût souhaité se taire, et il ne se retint pas de dire :

— Si je lui parlais, moi ?… Elle me confierait peut-être son secret…

— Alors, interroge-la, bien doucement, et si elle résiste, ne la contrarie pas, et laisse-lui la liberté de garder le silence.

— Soyez tranquille.

Juliette revenait vers la maison. Mme de Vignes fit un dernier et muet appel à la tendre compassion de Jacques, et elle rentra.

La jeune fille levant les yeux, vit, devant elle, son frère arrêté qui semblait l’attendre. Un rayon illumina son visage, et un flot de sang colora ses joues. Elle fut transformée, et la Juliette heureuse, gaie, bien portante, épanouie dans la fleur de ses dix-sept ans, reparut pour quelques secondes. Mais une ombre passa sur son front, ses traits se détendirent, sa bouche perdit son sourire, et elle fut de nouveau sévère et triste. D’elle-même, elle prit le bras de son frère, et s’y appuya avec une franche joie :

— Tu vas tout à fait bien, mon Jacques ? dit-elle. Il fit oui, de la tête, en pressant doucement la main de Juliette.

— Quel bonheur de ne plus te voir souffrant et malheureux ! reprit-elle. Car tu ne supportais pas ton mal avec patience, et tu n’étais pas enclin à la résignation.

Elle hocha la tête doucement, avec l’air de dire : Les femmes sont plus courageuses, elles acceptent mieux la douleur. Ils étaient arrivés devant la maison, sous la vérandah, à la place même où Davidoff avait annoncé à Jacques la mort de