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crois que nous avons pris, de cette petite fête, tout ce qui pouvait être agréable. Si nous partions ?

— Qu’avez-vous fait du domino qui vous a, si gaillardement, enlevé tout à l’heure ? demanda le Napolitain. L’avez-vous invité ? Sera-t-il des nôtres ?

— Ma foi ! je l’ai rendu à lui-même.

— Pas gai ?

— Élégiaque !

— Il ne vous a pas donné rendez-vous pour demain ?

— Si. Mais je n’irai pas !

À ces mots, un flot de masques roula dans le couloir, et un rire strident s’éleva. Jacques pâlit. Il chercha avec effroi, autour de lui, un domino blanc. Mais il n’aperçut qu’un groupe de jeunes gens qui passait, poursuivant des femmes en costume. Une voix murmura à son oreille : «Pourquoi fais-tu le fanfaron, et mens-tu ? Ne sais-tu pas que tu iras à ce rendez-vous ?» Et il lui parut que c’était la voix de Clémence Villa qui lui parlait. Il se retourna. Patrizzi seul était auprès de lui. Il pensa : Je deviens fou. Il prit le bras du prince et, avec une vivacité fébrile : Allons ! s’écria-t-il. Et il l’entraîna.

Le lendemain, vers onze heures, quand il se réveilla, dans sa chambre de la villa de Beaulieu, il n’avait plus qu’un souvenir vague de ce qui s’était passé pendant la nuit. Il se rappelait qu’au souper il avait bu énormément de vin de Champagne, qu’il avait joué une valse pour faire danser les femmes. À partir de cet épisode chorégraphique, tout se noyait dans une ombre propice. Il avait été ramené en voiture, par un ami qui retournait à Eze. Qu’avait-il dit ? qu’avait-il fait ? C’était un mystère. Il ne se sentait pas en goût de le percer.

Étendu dans son lit, les yeux baignés par la lumière qui entrait