produit ses fantastiques effets. La mort avait abandonné sa proie. Ou plutôt elle en avait pris une autre, plus belle, plus brillante, plus glorieuse.
Le pâle visage de Pierre Laurier s’évoqua devant Jacques. Les yeux fermés, un amer sourire sur les lèvres, des ombres violettes aux tempes, le peintre dormait son dernier sommeil, roulé par les vagues bleues, dans les caresses de la lumière. Le bruit éternel des flots, la plainte stridente du vent, le berçaient, et, montant, descendant, dans le creux ou sur le sommet des vagues, il roulait, vagabond de la mer, sans cesse détourné de la terre sur laquelle il avait tant pleuré. Jacques, du regard, suivait ce corps, épave humaine, terrifié par l’apparition sinistre, et cependant rassuré, égoïstement à la pensée que son ami était bien mort, puisque c’était de sa vie qu’il vivait. Il voulut se soustraire à ce cauchemar, qui l’obsédait si douloureusement. Il se leva et rompit le charme.
Devant lui il ne vit que la salle remplie de spectateurs, à ses pieds le plancher du parterre envahi par une cohue dansante et bariolée. Le bruit des flots, c’était leur piétinement et leur murmure ; la plainte du vent, c’était le chant de l’orchestre. Il n’y avait point de fantôme, tout était réel. Il se sentait plein de force et d’ardeur. Et le plaisir s’offrait à lui.
Il passa la main sur son front, détendit ses traits dans un sourire, ouvrit la porte de la loge, sortit dans le couloir, et circula nonchalamment, au milieu des groupes. Près du foyer, il retrouva Patrizzi qui flirtait avec une femme. Il s’avança vers lui, et gaiement, comme au plus beau temps de sa tapageuse existence :
— Soupons-nous, mon prince ? dit-il. Vous devez bien avoir, sous la main, une douzaine de convives à emmener ? Je