il se leva, et montrant à Clémence un visage calme :
— Je ne me laisse pas prendre à tontes vos incantations, belle magicienne ; il était inutile, d’ailleurs, de recourir à l’influence des Esprits, pour établir votre domination. Vos lèvres et vos yeux suffisaient. Vous avez eu bien tort de mêler la sorcellerie à l’amour. Je crains maintenant vos philtres…
— Je n’en aurai pas besoin avec toi, dit Clémence d’une voix tranquille, et, quoi que tu tentes, que tu le veuilles ou que tu ne le veuilles pas, tu m’aimeras.
Il ouvrait la bouche pour dire non : elle la lui ferma avec un rapide et violent baiser ; puis, sans lui laisser le temps de revenir de son trouble, légère, comme un charmant fantôme, elle gagna la porte de la loge et disparut.
Seul, Jacques resta un instant à songer. Le bal continuait tumultueux et sonore, soulevant des poussières qui flottaient, dorées par les feux du lustre. Dans les loges, les spectateurs, accoudés aux rebords de velours, formaient des groupes animés et brillants. Une impression de vie intense se dégageait de ce milieu surchauffé, tapageur et fringant. Le jeune homme fit un soudain retour sur son existence misérable et souffreteuse des dernières semaines, et une joie ardente s’empara de lui, à la pensée qu’il avait ressaisi la santé et qu’il se retrouvait vigoureux et libre, par cette nuit de plaisir, après avoir si amèrement regretté sa jeunesse évanouie.
Que de fois ne s’était-il pas dit, avec une sombre envie : Si jamais je puis rompre les entraves de ma faiblesse, si je me ranime et cesse de me courber chaque jour plus douloureusement vers la terre, quel emploi ne ferai-je pas de toutes les heures de grâce qui me seront accordées par la destinée ? Et ce rêve s’était réalisé. Le miracle réclamé avait