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à la proposition formulée par le médecin russe, parmi les gais viveurs et les aimables femmes qui venaient d’achever de dîner, dans le salon de l’Hôtel de Paris, sur la terrasse de Monte-Carlo, il y eut un instant de silencieuse stupeur. Autour de la table, somptueusement servie, et sur laquelle, dans la chaleur des lumières et la fumée des cigarettes, les fleurs se mouraient asphyxiées, des regards d’étonnement et d’ennui s’échangèrent. Puis, brusquement, protestation indignée de ces mondains arrachés à la futilité coutumière de leurs propos, et jetés dans les aridités d’une conversation scientifique, un ouragan d’apostrophes et de cris se déchaîna.

— Assez de physiologie !…

— Nous sommes ici pour boire, fumer et rire…

— C’est un cabinet particulier et point une clinique…

— Zut pour le docteur ! Il est paf !

— Messieurs, je vous en prie, écoutez, c’est très curieux !

— On embête ces dames !…

— Ouvrez la fenêtre, ça pue la science !

— Moi, j’aimerais mieux être au casino… J’ai rêvé que la rouge passait treize fois…

— En voilà une suggestion que le croupier t’a imposée !

— Voulez-vous danser ?

— Oh ! oh ! Laura, assieds-toi sur le piano !

— Eh bien ! mes enfants, allez où vous voudrez, mais fichez-nous la paix…

— N’insistez pas pour que nous restions ! Non ! Vous tenteriez vainement de nous retenir…

— En voilà des malhonnêtes !

Trois ou quatre femmes et cinq ou six jeunes gens se levèrent