Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée

Pierre passa la main sur son front, sourit au prêtre qui, interdit, le regardait, et avec un accent profond :

— Oui, il y a eu intervention divine… Et Dieu en soit Loué !…

Il s’absorba de nouveau, semblant faire un retour sur le passé, puis doucement :

— Monsieur le curé, je vous remercie d’avoir pris la peine de vous déranger. Ce que vous m’avez communiqué était très intéressant pour moi… Au revoir, monsieur le curé.

Et d’un pas lent, la tête baissée, il retourna chez la mère d’Agostino.

Le lendemain, un des enfants qui servaient la messe lui apporta une lettre mise à la poste à Ajaccio, avec cette adresse : «M. Pierre, aux bons soins de M. le curé de Torrevecchio.» Il l’ouvrit avec un serrement de coeur, Elle contenait ces lignes : «Mon cher ami, vous êtes encore de ce monde ; aucune surprise ne pouvait m’étre plus agréable. C’est moi qui ai rempli la pénible mission déporter à Beaulieu le mot dans lequel vous annonciez votre résolution fatale, heureusement inexécutée. Celui à qui vous donniez votre âme s’est, par un miracle de suggestion, ou par un effet de soudaine confiance, senti revivre, et va beaucoup mieux. Mais une personne, qui est tout près de lui, a failli mourir de votre mort. Au fond de votre retraite, sachez que vous avez passé à côté du bonheur sans le voir, mais qu’il vous est possible encore de le retrouver. Amitiés sincères.— Davidoff.»

Ayant terminé la lettre, Pierre la plia, la mit dans sa poche et sortit de la maison. Il gagna, pensif, la route de Bastia, et déboucha en face de la mer. Très calme, elle bleuissait, à perte de vue, sous le soleil. Des bateaux, au loin, dans