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était parfaite, et, entouré d’un respect tont nouveau inspiré par son talent, Pierre déjeunait pour la dernière fois, avec ses compagnons d’un jour.

Vers midi, il quitta le bord, reconduit par tout l’équipage, et, après avoir serré la main de ceux à qui il devait plus que la vie, il monta avec Agostino dans une sorte de corricolo, et, au grand trot d’un cheval ébouriffé, s’éloigna de Bastia.

À partir de l’octroi de la ville, la route serpente entre des enclos plantés de vignes, au bord des champs d’oliviers, entre de petits bosquets d’eucalyptus et de chênes verts. Le terrain est sablonneux et la température extrêmement douce. Des cours d’eau, descendus de la montagne, se perdent dans les terres et forment des étangs couverts de roseaux, larges plaines verdoyantes, au-dessus desquelles volent des bandes de canards et d’oies sauvages. La route passe à mi-côte, suivant le bord de la mer, traversant de rares villages. Agostino, poussant son cheval à une vive allure, expliquait à son compagnon les moeurs et les coutumes du pays, se livrant avec une expansion, une gaieté, qui contrastaient vivement avec la gravité qu’il montrait à bord, On eût dit un écolier en vacances.

— Vous verrez comme notre pays est riche ! dit-il. Nous ne sommes pas de paresseux gardeurs de bestiaux. À Torrevecchio, il y a du commerce !… Mon père vendait son vin et notre vigne est importante. C’est mon beau-frère, maintenant, qui la cultive et l’exploite… Ma mère et ma plus jeune soeur habitent un hameau, qui dépend du bourg… Elles ont de quoi vivre, et je ne les laisse manquer de rien… Oh ! elles vont bien vous aimer quand elles sauront ce que vous avez fait pour moi !…

Le peintre sourit à la pensée de la reconnaissante affection