Page:Ohnet – Noir et Rose, 1887.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sans baisser la voix, comme s’il eût craint d’être entendu. La maison était devenue silencieuse et grave. Une ombre semblait planer sur elle.

Tous les jours, Ursule allait à l’église prier pour l’âme du cher mort. Elle lui avait voué un culte, et, dans sa chambre, devant le daguerréotype, au bas duquel pendait fané le dernier bouquet apporté par Louis, elle faisait de longues oraisons, pleurant son amour tranché dans sa fleur.

Elle fut parfaite pour son père, qu’elle soigna, jusqu’à son dernier soupir, avec un dévouement admirable. Elle n’avait qu’une haine, mais celle-là farouche, implacable : pour l’armée. Elle la rendait responsable de la perte de son fiancé. C’était elle qui le lui avait enlevé pour le conduire à la bouche des canons, dans les flots de mitraille. C’était elle qui, pour une