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réal, il se décida à entreprendre le long et pénible voyage sur la côte, en compagnie de deux guides métis. C’était l’hiver, et une épaisse couche de neige couvrait la terre et allongeait sans fin sa blancheur monotone et désespérante sur les flancs dénudés de la grande chaîne des Laurentides. Mais, toujours, toujours à travers l’obscurité aveuglante des ouragans de neige marchaient les guides, soutenus par la bravoure et la fermeté inébranlable de leur jeune chef. À la fin, épuisés mentalement et physiquement, ils arrivèrent au misérable petit établissement de Lachine, à peine digne alors du nom de village, car les maisons en étaient clair-semées et d’une construction primitive.

Le premier soin de M. Smith fut de se rapporter à son chef, qui le reçut d’une façon glaciale, lui reprocha vertement d’avoir quitté son poste sans permission, et lui ordonna d’y retourner sans retard.

Naturellement découragé par un aussi dur accueil et épuisé de fatigue et de privations, à ce moment le jeune homme se décida presque à laisser là son emploi et à abandonner le service de la compagnie de la Baie d’Hudson.

Il y a certaines vagues qui, prises à temps dans la marée des affaires humaines, poussent à la fortune. Pour le jeune Smith, c’était l’instant critique, et il sut saisir le flot au passage, heureusement pour lui et pour le Canada. Comment le conduisit-il à la fortune ? C’est ce que tous les Canadiens savent bien aujourd’hui.

Avec la réflexion, la sagesse prévalut chez M. Smith, et il se détermina à retourner à Mingan et se remit immédiatement en route avec ses deux métis. Bien peu, parmi la jeune génération de Canadiens qui voyagent dans nos somptueux wagons Pullman, peuvent se faire la moindre idée de ce qu’était alors un voyage en hiver et des difficultés et des dangers qu’il offrait.

À peine nos voyageurs s’étaient-ils remis en marche que, la neige s’étant mise à tomber en abondance, ils perdaient à chaque instant leur voie.

Succombant de froid et de fatigues, les deux guides tombèrent l’un après l’autre et moururent avant d’arriver au but de leur voyage. Rendu à bout de forces, M. Smith arriva plus mort que vif à Mingan, pour raconter la triste histoire de son désastreux voyage d’hiver. Heureusement qu’il avait pu voir un médecin et que son ophtalmie disparut peu de temps après son retour.

Cet incident n’est qu’une des mille et une périlleuses aventures