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Je passais de longues nuits sans sommeil, et le matin je n’osais m’endormir, de peur de ne pas trouver tout prêt, en ouvrant les yeux, un sourire pour rassurer les chers êtres qui venaient tristement saluer mon réveil.

Alors j’imaginais mille théories tranquillisantes — nous avions l’hiver devant nous, un hiver c’est bien long ; — qui sait ce qui peut arriver en neuf mois. — L’exposition pouvait n’avoir pas lieu ou être remise indéfiniment, — ça se voyait tous les jours. — L’Amérique avait eu une longue guerre, la guerre pouvait recommencer, c’était presque certain. J’étais dans la position du pauvre diable de la fable à qui le roi avait ordonné d’apprendre à lire à son âne sous peine de périr par la corde. Le brave homme avait accepté en demandant dix ans pour accomplir ce miracle, et comme on le blâmait, il avait répondu :

— C’est bien le diable si dans dix ans le roi, l’âne ou moi, nous ne sommes pas morts.