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m’ennuie pas avec moi-même, je ne crains pas la contagion. J’étois faite ſans doute pour la ſociété, je l’ai fuie de bonne heure, je l’ai quittée au brillant de ma jeuneſſe ; on m’a dit ſouvent que j’avois été jolie ; je n’en ſais rien, je n’ai jamais voulu le croire, puiſque je faiſois à la journée des toilettes éternelles pour m’embellir. Je m’en amuſe actuellement, mes amis me reprochent trop de ſimplicité dans le commerce de la vie : ils me diſent ſans ceſſe que je ne ſais pas faire valoir mes talens : que lorſqu’on a commencé ſa réputation dans la Littérature, on ne doit pas parler à tout le monde, qu’on ne doit ouvrir la bouche que pour dire des ſentences, & obſerver le decorum d’un perſonnage important ; mettre dans ſes converſations l’eſprit le plus recherché, annoncer en tous lieux ce qu’on eſt, ne pas ſe rabaiſſer dans ſes écrits, avoir la grandeur d’ame de ſavoir mépriſer. Voilà de doctes préceptes, je l’avoue ; mais que je ne puis ſuivre, & je ſympatiſe en cela avec le fameux Deſpréaux. J’appelle un chat, un chat & C*** un frippon. Je me plains des méchans, parce que je ne ſais pas leur nuire, ni m’en venger ſecrètement. Je plaiſante ſur moi & ſur les autres, parce que je ſuis naturellement gaie. Je ris déjà de ce qui doit m’arriver, parce que je penſe qu’il n’eſt pas néceſſaire que je m’afflige. Je ſuis ſimple avec tout le monde, fière avec les Grands, parce que jamais les titres ni les honneurs n’ont pu m’éblouir. On ne s’apperçoit jamais dans mes diſcours que j’aie quelque prétention, à moins que je ne ſois avec des perſonnes de l’Art. Je ſuis toujours à mille lieues de mon genre. Voilà le pédantiſme qui m’accompagne, & quand