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eſſai de mes faibles talens, reçu à la Comédie françaiſe, eſt aujourd’hui le ſujet de mes craintes & de mes allarmes. J’allais ſoumettre cette production à la Cenſure publique avant ſa Repréſentation, quand la Comédie françaiſe a bien voulu courir, en ma faveur, les riſques qu’elle court journellement dans les Pièces nouvelles qu’elle met à l’étude.

Je laiſſe, pour un moment, les obſervations que je dois faire au public à ce ſujet, pour lui communiquer le motif qui m’a décidé à faire imprimer le Philoſophe corrigé, ou le Cocu ſuppoſé. Quel tems ! quelles mœurs, pour oſer mettre au jour le Cocu ſuppoſé ! Cet intitulé eſt affreux, dira-t-on, & indigne d’être employé par une femme. En littérature une femme ne tient pas à ſon ſexe ; mais la bienſéance, le reſpect que j’ai pour les femmes qui reſſemblent à Madame de Clainville, m’engage à prier ce petit nombre, ou le grand, ſi on le préfère, car je ne veux fâcher perſonne, de lire cette Pièce avant de ſe révolter contre le titre. Quant aux prudes, je ne pourrai jamais obtenir leur ſuffrage, & pour un intitulé, me voila pour jamais perdue dans leur eſprit. À l’égard des hommes qui ne croyent pas à la vertu des femmes, ils me feront une guerre d’avoir pu trouver le Cocu ſuppoſé. Si la Comédie peint les mœurs de la Société, il ne faut pas y mettre de monſtres, m’ajoutera-t-on ? Mais j’aſſure qu’à moins que je l’aye rêvé, depuis l’âge de quinze ou ſeize ans, cette avanture s’eſt toujours préſentée à mon imagination. Elle a fourni matière à un procès très-fameux ; ainſi, on ne peut me reprocher l’invraiſemblance. Je citerais pluſieurs ouvrages & quel-