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82 ROKEBY.

où le flambeau de la lune éclaire des ossemens abandonnés. Là, creusez une tombe, déposez-y vos richesses, et laissez-en la garde aux ombres des morts. Dépositaires fidèles, ils les défendront à jamais, pourvu qu’un charme les y force. Si vous ne trouvez point un lieu semblable, égorgez un esclave ou un prisonnier sur la terre qui cache vos trésors, et ordonnez à son fantôme sanglant de faire sentinelle pendant la nuit à son poste solitaire… » Ainsi parlait ce sage marin… La vision que j’ai eue ce matin me prouve la vérité de ces paroles.

XIX.

Wilfrid, qui eût à peine écouté ailleurs un conte si étrange, sourit de pitié ; surpris cependant qu’un soldat farouche pût donner quelque crédit à de tels récits, il pria Bertram de lui apprendre de quelle forme était le fantôme qu’il avait poursuivi. Ce pouvoir secret, qui, souvent vaincu, mais jamais complètement étouffé, se cache dans le cœur du coupable, toujours prêt à le surprendre et à le forcer, par un charme magique, à dévoiler, malgré lui, son forfait ; ce pouvoir se réveilla tout-à-coup dans l’âme de Bertram, qui répondit à Wilfrid, oubliant presque qu’il parlait devant un témoin.

— Le fantôme avait la forme de Mortham. J’ai reconnu son casque et son panache rouge, sa taille et les traits de son visage… C’était Mortham tel qu’il était lorsque je le tuai dans le combat… C’est donc toi qui l’as tué ? interrompit Wilfrid ; toi ! — Bertram s’aperçoit de l’aveu qu’il vient de faire ; il relève fièrement la tête, et retrouve toute son audace. Moi-même, ajoute-t-il, oui, c’est moi… J’oubliais, jeune homme, que tu ignorais le complot. Mais puisque je l’ai dit, je ne désavouerai ni mon action, ni mes paroles. Je l’ai tué, pour prix de son ingratitude. Oui, voilà la main par laquelle Mortham a péri.

XX.

Wilfrid, dont le cœur tendre et timide n’était point