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sages et des miracles de la magie. L’un parle de ces vents qu’on achète sur le rivage des Lapons, et du sifflet tout-puissant qui évoque les tempêtes ; l’autre décrit une magicienne, une sirène, un esprit, le manteau d’Eric et le feu Saint-Elme ; : un troisième cite le fantôme de ce vaisseau qui apparaît soudain, comme un météore pendant l’orage : la pluie tombe par torrens ; on abaisse les mâts ; aucune voile, tissue par une main mortelle, n’oserait braver le courroux des élémens ; seul, au milieu de la lutte des vents et des flots, le navire infernal s’avance appareillé, et défie le naufrage, pendant que les matelots gémissent de ce funeste avant-coureur de la mort qui les attend sous l’abîme.

XII.

C’est encore à cette heure que les pirates racontent à voix basse les merveilles dont ont eux-mêmes été souvent les témoins en abordant sur une côte déserte, dans laquelle les Espagnols ont exercé leurs cruautés, ou furent eux-mêmes victimes de terribles représailles. Le flibustier prétend avoir entendu, pendant la nuit, des voix lamentables qui venaient l’effrayer dans sa chaloupe légère, — placée en embuscade, non loin de la baie silencieuse. Des cris de douleur sortaient des roseaux, éclairés par la lune. L’aventurier, frissonnant malgré lui, a cherché eu vain une prière dans sa mémoire ; il maudit cette baie de sinistre présage, et profite de la brise du matin pour aller, dans sa soif du pillage et du sang, rendre une autre rade le théâtre d’une semblable tradition.

XIII.

C’est ainsi que, dans les trois âges de sa vie, Bertram, ayant été nourri de récits mystérieux, était livré parfois à de vagues souvenirs qui se mêlaient à la conscience de ses crimes. Ce sentiment venait troubler son âme comme le funeste vaisseau de la mort, pendant les orages, et il s’élevait en lui une voix non moins terrible que les gémissemens d’une victime à l’aspect du poignard. Cette

CHANT. SECO