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CHANT SECOND. 75

et il fit entendre un soupir à demi étouffé lorsqu’il vit vers le nord les tours superbes de Rokeby sortir du milieu des arbres. Si Spencer eût erré avec lui dans ce séjour enchanteur, il l’aurait peut-être embelli des riches couleurs de son imagination ; il eût peint à Wilfrid la rivière qui, telle qu’un captif fuyant sa prison, couronne ses vagues d’une brillante écume, et exprime son allégresse par un murmure mélodieux ; il eût célébré ces arbres qui semblent reculer sur les coteaux, où, çà et là, le chêne, géant des forêts, s’arrête solitaire, et étend ses rameaux noueux, comme on voit un chef vaillant, lorsque sa troupe est mise en fuite, opposer un front intrépide à l’ennemi pour protéger la retraite des siens. Mais vainement Spencer eût prodigué sur ces lieux les charmes de ses vers ; Wilfrid n’aurait vu que la tour lointaine et la terrasse où. Matilde respirait la fraîcheur du soir.

VII.

Cette vallée ouverte de toutes parts est déjà derrière eux, et Rokeby, quoique peu éloigné, cesse d’être aperçu. Ils descendent dans les bois qu’arrose la Greta, et suivent une route sauvage et solitaire, mais remplie de charmes pour les ménestrels. Des ombres épaisses s’étendent au-devant d’eux ; le vallon offre une enceinte de plus en plus rétrécie. A voir les saillies des rochers suspendus sur le torrent, on dirait qu’une montagne s’est partagée soudain pour ouvrir un passage à l’onde mugissante. A peine si leur base escarpée laisse un étroit sentier aux pas des voyageurs. Placés entre les roses et les vagues, ils entendent gronder le torrent rapide qui se précipite tel qu’un coursier saisi d’épouvante. L’onde irritée se brise sur chaque rocher qu’elle rencontre, et poursuit sa route, couverte d’une écume semblable aux vains projets de l’orgueil, que l’homme confie au fleuve rapide de la vie.

VIII.

Parmi ces rochers qui penchent leurs crêtes superbes