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l’ombragent seraient le panache qu’il reçut de celle qui avait touché son cœur. — Non, non ; reprit le page : je vois plutôt l’emblème des malheureuses amours d’une jeune fille qui unit sa destinée à celle d’un héros dont le cœur ignore le pouvoir de l’amour. La douce pluie du ciel nourrit seule ces rameaux inclinés ; les carreaux brûlans de la foudre briseront à la fois l’arbre et le rocher : de même, celle qui aime sans être aimée, n’a d’autre consolation que ses larmes... d’autre refuge que la mort.

III.

— Je ne puis expliquer ton humeur capricieuse, dit Harold ; tu fuis les jeunes beautés, et tu parles toujours d’amour. Au milieu des périls de la guerre, tu te tiens à l’écart ; et cependant tu es condamné, par ta mauvaise étoile, à errer avec un chevalier dont tous les plaisirs sont dans les champs du carnage. Je l’avouerai toutefois, malgré ta faiblesse et ta timidité, tu as su trouver le chemin de mon cœur, et nous ne nous séparerons jamais. Harold livrerait tout l’univers aux flammes, plutôt que de souffrir que le moindre outrage fût fait à Gunnar.

IV.

Le page reconnaissant ne répondit rien ; mais il leva les yeux vers le ciel et croisa les mains, comme pour dire : — Mes fatigues, mes longs voyages sont assez payés ! Et puis affectant plus de gaieté, il se hasarda peu à peu à s’entretenir de nouveau avec son maître : bientôt les mots sortirent de sa bouche en sons cadencés, et il chanta ces vers harmonieux :

V.

Ah ! si dans les champs du carnage

Je n’ose suivre Harold vainqueur,

Qui peut contempler ta valeur

Avec plus d’orgueil que ton page ?

Aux lambris d’or, à la couche d’un roi,

Gunnar préfère un humble asile

Sur ta peau d’ours Gunnar s’endort tranquille,

Pourvu qu’il dorme auprès de toi.

38 HAROLD L’INDOMPTAB