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DE WATERLOO. 381

son roi ; tu n’auras plus de gardes, plus de symbole de ton règne passé, qui puisse devenir un poignard dans la main à laquelle nous avons arraché l’épée.

XVIII.

Cependant, dans l’étroite prison qui t’est destinée, puisses-tu penser à une victoire plus noble que toutes celles qui t’ont illustré ; une victoire remportée sans verser de sang, qui t’appartiendra tout entière, c’est celle qui t’est réservée, si tu parviens à dompter ces passions et cette âme opiniâtre qui corrompirent tes jours de prospérité. C’est ce qu’ose te faire entendre un cœur qui ne peut comparer sans émotion et sans soupir ce que tu es, avec ce que tu aurais pu être.

XIX.

Et toi, dont les faits d’armes sont au-dessus de la reconnaissance d’une nation, tu trouveras ta véritable récompense dans ton propre cœur. Les justes acclamations de tout un peuple, celles de toute l’Europe, le sourire de ton prince, les décrets honorables de notre sénat, le rang ducal, l’ordre de la jarretière, ne pourraient te procurer une jouissance aussi pure que celle que tu goûteras en pensant à la vue de ton épée : — Ce glaive fut toujours tiré du fourreau pour le bien public, et le ciel a voulu qu’il n’y rentrât jamais qu’après la victoire.

XX.

Jetons un dernier coup d’œil sur ce champ de bataille, et ne repoussons pas l’émotion plus douce qu’il produit dans nos cœurs ; le triomphe et la douleur sont proches l’un de l’autre, et la joie elle-même s’exprime souvent par des larmes. Hélas ! que de liens d’amour a brisés en ce jour la main cruelle de la guerre ! car jamais victoire ne fut si chèrement achetée. Voyez dormir d’un commun sommeil tous ceux que l’affection pleurera long-temps : ici est un père qui ne pressera plus ses enfans sur son sein ; là un fils que la voix de sa mère ne bénira plus dans sa terre natale ; à côté de l’amant qui s’est arraché aux