Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/28

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— Eh bien, dit le page, c’est à cette terrible colère que mon reproche s’adressera. Il semble souvent qu’un démon s’empare soudain de mon seigneur un seul mot mal interprété lui fait porter la main sur sa lançe et sa massue, et l’entraîne dans d’innombrables périls... Plût aux dieux que Gunnar fût la dernière victime immolée à ce mauvais génie, et qu’une fois rassasié de mon sang, il cessât de te poursuivre !

VIII.

Le chevalier du Nord fit un geste d’impatience, et répondit à Gunnar ; — Cesse d’outrager une race de héros qu’il ne t’appartient pas de juger... Tels sont les descendans d’Odin, quand la fureur divine du farouche Bersekan leur inspire des exploits au-dessus du courage des mortels. Aussitôt que le guerrier sent cette irrésistible influence, il traverse les lacs et franchit les remparts ; sans bouclier, sans cuirasse, il se précipite seul sur mille ennemis, brise leurs lances comme de simples roseaux, déchire leurs cottes-de-mailles comme les vétemens de soie d’une jeune fille, et survit à toutes les blessures dont il est criblé. Les vautours accourent à ses cris de carnage et de victoire ; son épée semble altérée de sang ; et tout de qui s’oppose à sa marche est livré aux flammes ou aux ruines. Alors, tel qu’un lion rassasié, il cherche une caverne solitaire, et il s’endort jusqu’à ce qu’il redevienne homme... Tu sais à quels signes reconnaître l’approche de ce délire furieux... Pense alors à ta sûreté, et garde le silence. Mais quand tu me vois calme tu peux dire hardiment tout ce qu’un chevalier doit écouter ; Je t’aime, Gunnar ; tes chants ont la vertu de ramener la paix dans mon âme. C’est ainsi, prétendent les moines chrétiens, que les démons étaient chassés autrefois. N’aie donc aucune crainte ; tu peux franchement m’expliquer ta pensée.

IX.

Semblable au pilote prudent qui, se voyant engagé dansun détroit inconnu, sonde les bas fonds avant de

CHANT TROISIÈME. 25