Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cœur de Lucy, et j’ignorais le sens de tous ces discours : cependant, si j’étais inscrit parmi les favoris de la fortune, j’aurais encore trouvé bien insensé la choix de ceux qui estiment la dot de Lucy plus que son cœur, et ses chamans plus que ses yeux.

vii.

Ma lyre… elle n’est qu’un futile instrument dont tous les accens sont empruntés, comme ceux de cet oiseau des climats de Columbia qui ne chante que par imitation[1] ; elle ne résonne jamais sur une source consacrée ; et n’est pas douée du charme des harpes des frontières ; ses cordes ne font pas entendre le slogan féodal ses héros ne tirent pas la large claymore ; les acclamations de nos dans ne la remercient pas d’avoir célébré leurs ancêtres ; la renommée ne la vanta jamais sur les arides montagnes de la Calédonie ou sur les prairies de l’Angleterre. Elle n’a jamais, récompense là plus douce pour un vrai ménestrel ; elle n’a jamais obtenu ; un sourire gracieux de la belle Buccleuch ; elle ne redit ses accords que sur les rives d’un ruisseau ; elle n’est écoutée que par une beauté solitaire.

viii.

Mais, si tu l’ordonnes, cette lyre timide chantera les chevaliers errans et les belles ; elle dira le nœud terrible que forma un magicien, pour punir l’orgueil d’une jeune fille : ces récits merveilleux te charmeront ; car Lucy aime… comme Collins (1), nom de triste présage pour moi : — Collins, poète harmonieux dont la récompense tardive fut le laurier qui décora sa tombe, et qui eût dû ceindre son front ! comme Collins, Lucy aime à s’égarer sur les rivages enchantés ; elle aime, comme lui, à se perdre dans les dédales de la féerie ; elle aime à voir briller des palais dorés et à rêver auprès d’un ruisseau élyséen ; tels sont les chants qu’aime Lucy : son goût ne doit-il pas décider de celui du poète ?

  1. L’oiseau moqueur. — Éd.