Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

xxii.

Le ménestrel baissa humblement les yeux, — et tendit une main tremblante pour recevoir le don de Matilde. Jusque-là une espèce de point d’honneur l’avait fait persister dans son lâche stratagème, sentiment irrésistible et d’une force inconnue qui étouffe les remords et règne en vainqueur dans l’âme de tous les mortels, depuis le général qui trace le plan d’une campagne, jusqu’à celui qui fait la guerre aux hôtes des bois. Le chasseur voit sans s’émouvoir les plumes éparses de sa victime et ses ailes ensanglantées ; le plaisir dont l’enivre son adresse lui fait oublier tout ce que souffre l’oiseau malheureux qu’il prive de la vie. Le guerrier que l’âge éloigne du théâtre des combats aime encore les succès de son art fatal, et trace sur la carte la route qu’un farouche conquérant parcourra au milieu du sang et des ruines. Pour illustrer le nom d’un autre, il condamne les citoyens paisibles à la mort, et les cités aux flammes ; complice des crimes du vainqueur sans partager sa gloire, quel est donc le prix qui lui fait ainsi passer sa vie à méditer des cruautés ? qui donc arme son cœur contre la douce pitié ?… c’est l’orgueil de son art.

xxiii.

Mais Edmond n’avait que des principes vagues et incertains : son âme, ainsi qu’un navire privé de son gouvernail, était le jouet des flots changeans des passions ; ni le vice ni la vertu ne laissaient en lui une impression durable. Hélas ! qu’il est rare qu’un cœur égaré écoute la voix de la vertu ! Dans cet instant toutefois elle fit parler le remords dans le cœur d’Edmond ; il lui fallut tout l’orgueil qui suppléait en lui à l’habitude du crime, pour résister au sentiment de ses regrets, lorsqu’il entendit Matilde déplorer sa triste destinée.

LES ADIEUX.

De la Greta j’abandonne les rives
Et ses bosquets silencieux ;