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feinte timidité ; mais ils se baissèrent devant ceux de Matilde, et n’osèrent fixer Redmond. Des hôtes soupçonneux ou instruits à l’école de l’expérience auraient pu concevoir des craintes sur un inconnu qui s’était invité lui-même dans le château… Mais nos amans étaient jeunes, et les serviteurs de Rokeby ne songeaient qu’à la douleur qu’allait leur faire éprouver le départ d’une châtelaine bien-aimée. Ils accoururent les yeux troublés par les larmes, comme s’ils allaient porter le drap funéraire de leur jeune maîtresse.

XVII.

Tout ce qu’il y avait de repoussant dans la physionomie du ménestrel s’évanouissait dès qu’il parcourait de la main les cordes de sa harpe, comme jadis le mauvais génie de Saül était chassé par les concerts du fils de Jessé. Dans ses regards brillait alors un plus noble feu ; un accent plus naturel donnait un nouveau charme à sa voix. Son cœur battait de l’enthousiasme des bardes… Mais, hélas ! bientôt cet orgueil généreux se perdait avec le chant qui l’avait fait naître. Son âme retombait, par la force de l’habitude, dans ses vices et sa lâcheté… Le talent dont l’avait doué la nature n’était plus qu’un don fatal. Tel était le ménestrel que la jeune châtelaine de Rokeby daigna prier avec douceur et affabilité de répéter un de ces chants qui avaient déjà su la charmer de loin.

XVIII.

LA HARPE.

De l’enfance fuyant les jeux,

Aux plaisirs naïfs du village

Je préférai, dès mon jeune âge,

L’ombre du bois silencieux.

Le seul ami du rèveur solitaire,

C’était la harpe du trouvère.


Sur les bords fleuris du ruisseau

Etait ma chaumière modeste ;

140 ROKEBY.