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de Michel jusqu’aux cimes escarpées du Skiddaw ; nous visiterions les montagnes sauvages d’Albyn et les vertes prairies de ma terre natale : toi tu charmerais les cœurs des belles par des chants de paix et d’amour et moi, ménestrel moins tendre, je célébrerais les combats et les exploits des guerriers. Les bardes de la vieille Angleterre et le fameux Drummond d’Hawthornden (3) s’avoueraient vaincus par nous ; la harpe de M’Curtin (4) cesserait d’enchanter le rivage d’Iernie pour écouter les accords de la nôtre.

Ainsi parlait Redmond, pour essayer de ramener le sourire sur le front abattu de Wilfrid.

xv.

— Mais, dit Matilde, avant que votre nom soit illustré par vos chants de gloire, daignerez-vous, cher Redmond, aller chercher ce ménestrel nouveau et l’introduire ici ? Que tous nos serviteurs s’empressent de le fêter, chacun suivant son rang. Je sais combien le cœur de ces fidèles vassaux s’affligera quand ils se sépareront de leur maîtresse chérie : je veux donc qu’un banquet joyeux adoucisse le moment pénible de mon départ.

Le ménestrel fut introduit. Il était encore dans la force de l’âge ; son vêtement se rapprochait beaucoup de l’antique costume par lequel se distinguaient les troubadours de la vieille Angleterre. Il avait une espèce de tunique de drap vert de Kindall, et un collier fermé par une agrafe d’argent. Sa harpe était attachée à une écharpe de soie ; une épée pendait a son côté.

xvi.

Il fit, en entrant, un salut avec une courtoisie étudiée. Pour mieux séduire, son air et son accent semblaient affecter une aimable franchise ; ses traits avaient ce caractère de physionomie qui charme les yeux plutôt que le cœur. Mais on aurait eu de la peine à concevoir de la méfiance sur un ménestrel qui paraissait si jeune et si modeste. Ses yeux rapides et subtils observaient tout sans se faire remarquer ; ils firent le tour de la salle avec une