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inaccessibles à une plus faible lumière, font du crépuscule une nuit précoce. Déjà les corbeaux attristent les airs de leurs chants nocturnes, et semblent appeler les génies des ondes : en harmonie avec leur voix lugubre, la Greta frappe l’écho de son murmure monotone auquel répond le murmure de la Tees, tandis que la brise de la nuit expire dans la fente des rochers avec un triste gémissement.

Wilfrid, dont le cœur se nourrissait des prestiges de l’imagination, éprouva pour ce lieu un attrait irrésistible. Il s’avançait d’un pas ralenti, et s’arrêtait souvent pour promener ses regards çà et là. Il venait chercher celle qu’il aimait, et cependant il ne se pressait pas de sortir du bocage, ravi de se livrer au frémissement bizarre et solennel que produit le mélange mystérieux du plaisir et de la crainte. Tel est le vague où nous aimons à nous égarer quand les passions subjuguent nos cœurs.

III.

Il franchit enfin,le bois et ses obscurs détours, et, arrivé à l’entrée du vallon, il contemple l’antique château de Rokeby, argenté par les lueurs de la lune. Ce château était dépouillé depuis long-temps des ornemens guerriers qui jadis en défendaient l’approche. Les fortifications et les tourelles semblaient près de tomber en ruines. Plus destructeur que l’ennemi, le temps avait gravé l’empreinte de son passage sur le donjon et la grande tour : sur ces remparts, où jadis de glorieuses bannières semblaient braver les assiégeans, flottaient les guirlandes du lierre et de la giroflée jaune. Dans le corps-de-garde, où les sentinelles attendaient avec impatience le retour de l’aurore, l’araignée parcourt les murailles à la lueur des flammes du foyer ; les canons sont démontés le fossé est comblé et sans eau ; les mâchecoulis ont disparu, et toute la forteresse n’est plus qu’un château paisible.

IV.

Cependant des précautions récemment prises annoncent que les jours d’alarmes sont reveus. La muraille de

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