Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome II, trad Defauconpret, 1831.djvu/128

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ouïrent parler de leur mort ignorèrent quelle était la main qu’on pouvait accuser. Les lois humaines ne m’atteignirent pas ; mais Dieu entendit le cri du sang, et d’épaisses ténèbres environnèrent mon cœur ; je ne puis définir quelles sombres apparitions épouvantaient mon sommeil : je ne rêvais que cachots, chaînes et verrous…

— Lorsqu’un chagrin plus calme eut succédé à mes premières douleurs, je demandai mon enfant au berceau… mais je n’ai pas encore dit qu’Edith m’avait donné un fils beau comme une matinée de printemps… Hélas oui ! j’étais père ! Confus et tremblans, mes vassaux me répondirent que des hommes armés étaient survenus dans la vallée de Morthai, avaient attaqué la nourrice pendant la nuit, et l’avaient emmenée avec le nourrisson qui lui était confié. Mon perfide ami pouvait seul profiter de ce larcin qui acheva de me désespérer… Je suivis donc ses traces, brûlant de faire peser sur sa tête ma triple vengeance… il a toujours su m’échapper… Mais les blessures de mon cœur éprouvèrent quelque soulagement dans mes courses vagabondes, et je portais avec moins d’effort le poids de ma misère sur les terres et les mers étrangères.

XXIII.

— Le hasard guida mes pas au milieu d’une bande dont l’audace répandait au loin la terreur ; je risquai si souvent une odieuse vie à la tête de ces corsaires, je les étonnai par des exploits si inouïs, que, mes compagnons eux-mêmes avaient peine à les croire possibles, et me portaient un respect sans bornes. Je fus alors le témoin de bien des crimes et de bien des malheurs, mais, je n’ai jamais connu dans tous mes voyages un mortel qui fût aussi infortunée que moi !

— Un soir, après une bataille terrible, nous nous étions arrêtés sur la plage ensanglantée ; la lune éclairait de son pâle flambeau les blessés et les morts ; fatigués par un banquet copieux et par les travaux du jour, mes compagnons dormaient autour de moi ; une voix se fait sous