que, sans cette ressource, toutes ses espérances étaient vaines. Mais enfin la voix de Matilde interrompit la réverie des deux rivaux, et dissipa leurs tristes pensées comme un souffle de la brise fait évanouir une vapeur légère.
— Je n’ai pas besoin, dit-elle, de rappeler aux amis de Matilde que le seigneur de Mortham évitait le château de mon père : toujours silencieux et triste, il daignait cependant me témoigner toute la confiance et l’amitié d’un parent bon et sensible. Je parvenais parfois à dissiper les nuages de son chagrin pour quelques instans ; mais bientôt il ne dépendait plus de moi de calmer son désespoir, devenu plus profond. Une cause fatale, inconnue de tous, lui arrachait, comme malgré lui, son secret ; et deux fois je le vis en proie à ces transes cruelles qui peuvent pour un temps égarer nos idées. Il avait la consolation terrible de sentir approcher l’heure de son délire ; et, tant que son âme avait le courage de lutter contre le mauvais génie qui venait s’emparer de lui, il cherchait à repousser ses atteintes comme une victime qui résiste en vain au poignard d’un meurtrier. Je devinais bien que cette funeste maladie prenait sa source dans un crime fatal ; mais Mortham ne me déclara toute la vérité que lorsqu’il fut à la veille de partir pour la guerre civile. Ce fut alors qu’il me confia le dépôt d’un riche trésor et ce papier qui contient son secret dans des termes bizarres qui trahissent souvent une âme que la violence de sa douleur force à cet aveu.
— Matilde ! tu m’as souvent vu tressaillir et trembler comme si un fer mortel me perçait le cœur, lorsqu’une parole prononcée sans intention réveillait en moi le souvenir de ma jeunesse. Crois-moi, il est peu d’hommes qui