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116 ROKEBY.

qu’il peignait des vives couleurs de son imagination, que, tout en blâmant la témérité du chasseur, Matilde aimait l’histoire de tous ces hasards qui faisaient palpiter son cœur d’une crainte toujours nouvelle.

Souvent aussi, lorsque la neige ou la pluie les tenaient prisonniers dans le château, ils parcouraient ensemble les pages inspirées des bardes et des sages aimés du ciel ; ou, assis près du foyer, ils chantaient, en alternant, les romances des ménestrels, et s’accompagnaient de la harpe, pour abréger les longues soirées d’hiver. Unis ainsi, depuis leur berceau, dans leurs jeux comme dans leurs études, ils sentaient une douce sympathie rapprocher leurs âmes ; mais il leur était défendu de l’appeler amour.

Cependant d’indiscrets témoins, jaloux de leur bonheur, osèrent bientôt donner ce nom à leur tendre amitié : en voyant ce jeune couple ne jamais se quitter, on blâma bientôt le vieux chevalier et son imprévoyance ; parfois aussi on murmurait tout bas que Redmond O’Neale était destiné par Rokeby à devenir l’époux de sa fille.

XIV.

Les hommages et les prétentions de Wilfrid firent tomber le bandeau des yeux de ces deux amans ; ils s’aperçurent bientôt qu’Oswald était bien près d’obtenir l’agrément de Rokeby. Ils commencèrent alors à se regarder sans sourire ; leurs yeux n’exprimaient plus que la honte et leurs craintes mutuelles. Matilde chercha les lieux écartés, pour préparer son cœur aux leçons sévères du devoir. Redmond s’égara aussi dans les bosquets solitaires, pour maudire un amour qu’il ne pourrait jamais éteindre dans son âme.

Mais les factions vinrent exercer leurs fureurs, et Rokeby jura que jamais le fils d’un rebelle ne serait l’époux de Matilde. Redmond, dont l’enfance avait été nourrie des romanesques traditions des bardes, ne cessa d’aller

CHANT QUATRIÈME