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CHANT TROISIÈME. 103

nité et la pitié, alors que nous étions irrités par une victoire sanglante.

XXIII.

— Je l’aimais… Son intrépidité et sa noble conduite comme notre chef avaient charmé mon cœur. Après chaque action, c’était moi qui plaidais ses droits et qui faisais restituer à mes avides compagnons sa part du butin, dont ils s’étaient déjà emparés… Trois fois je sauvai ses jours dans les combats et le naufrage, et une fois encore dans une sédition. Oui, je l’aimais : les fatigues que j’essuyai pour lui, les dangers que j’ai courus en ont été la preuve irrécusable. Mais je cesse de déplorer ta fatale destinée, ô toi qui fus ingrat dans ta vie et qui l’es encore après le trépas ! Apparais si tu peux, ô Mortham ! ajouta-t-il en frappant la terre d’un pied menaçant, et il promena ses regards autour de lui…. Apparais de nouveau avec cet aspect fier que tu avais ce matin ; viens, si tu l’oses, donner un démenti à Bertram !

Il s’arrête… et bientôt plus calme, il dit à Denzil de poursuivre.

XXIV.

Bertram, il n’est point nécessaire de t’apprendre comment la superstition enchaîna par ses scrupules l’âme du seigneur Mortham ; mais quelque temps après t’avoir défendu l’accès de son château, il rencontra dans les bosquets qui ornent les bords de la Greta, cette jeune Matilde dont la voix, comme la harpe de David, eut la vertu de charmer le sombre génie qui le tourmentait. J’ignore s’il crut trouver dans ses traits quelque souvenir de l’épouse qu’il avait aimée ; mais il passait des heures à contempler ses charmes, jusqu’à ce que son humeur farouches adoucit par un soupir. Celui que jusque-là. aucun mortel n’avait osé aborder pour lui demander ses pensées secrètes, était le premier à épancher dans le cœur de sa nièce chérie ses soucis et ses regrets. Tout ce que la terre, l’Océan et les airs ont de plus riche et de plus rare, était recherché