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PRÉCIS DE L’HISTOIRE

Vieux et jeunes s’affligent, s’affligent petits et grands ; car Tristrem le bon chevalier était estimé de tous. Les jeunes filles se tordent les mains ; les épouses crient et pleurent ; les cloches sonnent leur chant de mort ; les prêtres disent leurs messes de deuil, et ne prient plus que pour Tristrem[1].

Le vaisseau fait force de voiles et de rames. Ysonde aborde au rivage ; elle rencontre un vieillard à barbe blanche : les larmes coulaient en abondance de ses yeux ; il sanglotait amèrement : — Il n’est donc plus la fleur de l’Angleterre ! nous ne le verrons plus ! sir Tristrem est mort !

Quand Ysonde ouit ceci, elle se mit à courir vers la porte du château ; personne ne put l’arrêter ; elle franchit la grille ; elle entre dans la chambre. Tristrem, en robe d’appareil, était couché, immobile et froid comme le marbre, Ysonde regarde et le reconnaît.

Jamais plus belle dame n’avait paru en Bretagne, témoignant une plus vive peine. Ysonde se jette sur la couche de Tristrem ; elle ne se relève plus ; mais elle meurt de douleur. Jamais il n’y aura de tels amans !


Les corps des deux malheureux amans furent transportés en Cornouailles. Marc, toujours irrité du souvenir de ses affronts, refusa d’abord de les laisser ensevelir dans ses domaines ; mais il s’adoucit en lisant une lettre écrite par Tristrem dans sa dernière maladie, et qu’il avait attachée à la poignée de son épée, pour être remise à son

    Amie Ysolt ? » Tres fez dit,
    A ta quarte rend l’esprit.

    Dans le roman en prose on lit : « Tristan se tourna de l’autre part, et dist : « Ha ! ha ! doulce amye ! à Dieu vous recommande ! jamais ne me verrai, ne moi vous ! Dieu soit garde de vous ! Adieu, je m’envays, je vous salut. » Lors bât sa coulpe, et se recommande à notre Seigneur Jhe-Crist, et le cœur lui crève, et l’ame s’en va. » (Tristan, fol. CXXIII.)

  1. « Lors y accourent grans et petits, crians et bruyans, et font tel deuil, que l’on n’y ouyst pas Dieu tonnant. » (Tristan, fol. CXXIII.)