Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/451

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brillent comme des flots de lumière ; et, unissant leurs noirs boucliers, ils se pressent sur les fuyards avec l’aveugle fureur de l'Océan battu par l'aile de la tempête.

— J’entendis les lances se rompre, comme les frênes que brise l’ouragan; j’entendis le son des claymores, semblable au bruit de mille enclumes. Mais Moray fait faire un détour aux cavaliers de son arrière-garde, et tombe sur les flancs des guerriers d’Alpine.

— Avance, mon porte-étendard, s’écrie-t-il; je vois leur colonne qui se rompt : allons, braves amis, pour l'amour de vos dames, fondez sur eux avec la lance!

— Les cavaliers se précipitent parmi les montagnards comme le cerf s’élance à travers les touffes de genêt. Leurs coursiers sont animés, leurs glaives sont tirés du fourreau; ils ont dans un instant éclairci les phalanges ennemies : les meilleurs soldats du clan d’Alpine sont hors de combat. Où était Roderic ? une fanfare de son cor eût valu mille guerriers.

— Ces flots de combattans, qui étaient sortis de la gorge du défilé, y sont repoussés; on a cessé de voir la lance des Saxons et la claymore des montagnards. Comme le gouffre de Bracklinn, si profond et si obscur, reçoit les vagues qui s’y précipitent, de même ce fatal défilé dévore les rangs mêlés de la bataille ; il ne reste plus de combattans sur la plaine, que ceux qui ont cessé de vivre.

XIX.

— Le tumulte s’étend vers l’ouest le long du défilé... Fuis, ménestrel! le carnage continue : le destin va enfin décider de cette journée, au lieu où la sombre gorge des Trosachs s’ouvre sur le lac et l'île Katrine! Je me hâte de repasser la cime de Ben-Venu... Le lac se déroule à mes pieds, le soleil a quitté l’horizon; les nuages sont amoncelés ; le voile obscur qui cache les cieux a donné aux ondes une teinte d’un bleu livide ; par intervalles le vent s’échappait des sinuosités de la montagne, glissait sur le lac et expirait aussitôt. Je ne fis aucune attention au sou-