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IV.

Au moment où ces derniers accords expiraient sur l'onde, la nacelle atteignit la plage opposée. Avant de poursuivre sa route, l’étranger jeta un regard d’adieu sur l'ile, où il put facilement reconnaître le barde appuyé contre un arbre miné et blanchi comme lui par le temps. Livré à ses méditations poétiques, il levait son front vénérable vers le ciel, comme pour demander au soleil une étincelle de sa flamme divine. Sa main, posée sur les cordes de sa harpe, semblait attendre le rayon inspirateur. Il était immobile comme celui à qui le juge va lire la sentence qui le condamne : on eût dit que la brise n’osait soulever une seule boucle de sa blanche chevelure, et il semblait que la vie venait de l’abandonner avec le dernier son de sa harpe.

V.

Près de lui, Hélène, le sourire sur les lèvres, était assise sur une roche tapissée de mousse. Quel objet excite son sourire ? Est-ce le cygne majestueux qui glisse en fuyant sur le lac, tandis que son épagneul aboie de la rive, et n’ose poursuivre cette noble proie ? Jeune fille qui le savez, dites-moi pourquoi les joues d’Hélène se colorent d’un incarnat plus vif !...—Peut-être souriait-elle en voyant le chevalier s’éloigner à regret, lui dire adieu de la main, s’arrêter et se retourner sans cesse. Beautés aimables, avant de condamner avec rigueur l’héroïne de mes vers, nommez-moi celle qui dédaignerait de suivre avec des yeux satisfaits une semblable conquête.

VI

Tant que l’étranger s’arrêta sur le rivage, Hélène feignit de ne pas le remarquer : mais, quand il s’éloigna à travers la clairière, elle fit un geste d’adieu ; et le chevalier répéta souvent dans la suite que le prix d’un tournoi, décerné par une dame brillante d’attraits et de parure, n’avait jamais autant ému son cœur que ce simple adieu muet.

Guidé par un fidèle montagnard et accompagné de ses