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288 MARMION.

XXXI.

L’abbesse, voyant qu’elle ne gagnait rien par ses invectives, reprit sa dignité habituelle, car elle en avait beaucoup ; elle ajusta son voile, et levant la tête elle dit à Eustace d’un ton solennel : — Va dire à ton maître injuste et déloyal qu’il lise les annales de sa maison ; il y verra comment un de ses ancêtres expulsa les moines de Coventry, et quelle fut sa punition… son cheval s’abattit sous lui et trahit son orgueil, un bras plébéien lui ôta la vie à la vue de ses propres vassaux. Que Dieu soit juge entre Marmion et moi : ton maître est un grand seigneur, et, je ne suis qu’une pauvre recluse ; mais souvent nous voyons dans l’Ecriture comment un aussi faible ennemi que moi écrase un oppresseur. Le dieu qui inspira Judith, Jaël et Déborah… Ici l’impatient Blount interrompit l’abbesse : — Fitz-Eustace, dit-il, que le feu saint Antoine t’arde ! resteras-tu tout le jour la toque à la main pour entendre prêcher cette sainte vestale ? prenons garde qu’un plus long retard ne nous attire un autre sermon du lord Marmion. Allons, camarade, mets le pied à l’étrier, et que madame prenne patience.

XXXII.

— Hé bien ! dit Clara, soumettons-nous à la force, mais que ce chevalier barbare n’espère pas venir à bout de ses desseins ; il peut me ravir mes biens et ma vie, mais je serais criminelle si je consentais à être l’épouse de Marmion. Si c’est la volonté du roi que je ne puisse trouver aucun asile sans y être poursuivie par un homicide que les anges de l’enfer n’épouvanteraient pas, il me restera encore un dernier refuge où les rois ont peu de pouvoir… une victime m’y a déjà précédée. — Ma sainte mère en Jésus-Christ, donnez-moi votre bénédiction et souvenez-vous de votre pauvre Clara !

L’abbesse ne put retenir ses larmes et ses sanglots en lui donnant mille bénédictions ; toutes les nonnes pleurèrent comme elle. Le sensible Eustace fut obligé de s’es-

CHANT CINQUIÈ