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248 MARMION.

honorée : tous ceux dont il a séché les larmes en verseront de plus amères en entendant prononcer son nom ; la reconnaissance proclamera enfin des bienfaits ignorés jusqu’ici. Si la charité des mortels osait prendre les titres du Très-Haut, nous graverions sur sa tombe qu’il fut le bouclier de la veuve et l’appui de l’orphelin. Quoique cet hommage de ma muse doive réveiller tes douleurs, elle ne sera pas blâmée de choisir un sujet aussi triste : elle est sacrée pour moi la plume qui traça cette maxime :

N’OUBLIE JAMAIS L’AMI DE TON PÈRE.

Moi aussi je puis dire que j’ai reçu de lui des bienfaits et des conseils généreux ; moi aussi j’ai un tribut à porter sur sa tombe…….. C’est peu de chose ; mais c’est tout ce que je possède.

Pour toi, peut-être ces vers te rappelleront nos promenades de l’été, ces jours où, tous deux oisifs, et, je l’avoue, peu jaloux de rien faire, nous errions sur les collines, et passant du grave au doux, et de l’utile à l’agréable, nous tenions des discours aussi variés et aussi peu suivis que les sites qui s’offraient à nous. Souvent aussi nous trouvions du charme à poursuivre silencieusement nos travaux paisibles, toi dessinant les formes fantastiques d’un chêne, et moi lisant avec extase la légende de cet antique chevalier, surnommé Tyran-le-Blanc. A nos pieds, deux écuyers fidèles,. Pandour et Camp, s’observaient d’un œil jaloux, et avaient peine à ne pas renouveler d’anciennes querelles. L’alouette gazouillait du haut de son nuage : le ruisseau murmurait doucement. L’aubépine couronnait nos fronts de ses guirlandes parfumées. Ariel 1 ne vivait pas plus heureux que nous sous son ombrage fleuri.

Il est aussi des nuits charmantes dont le souvenir doit nous être cher. Lorsque l’hiver dépouillait les bosquets de la parure de leurs feuilles, nous écoutions sans inquiétude, comme je fais aujourd’hui, le gémissement de la bise. Auprès d’un bon foyer, autour d’une lampe joyeuse, nous prêtions une oreille attentive aux romances d’une jeune beauté, et nos railleries faisaient rougir celui d’entre nous qui reculait devant la flamme azurée

(1) L’Ariel de la Tempête de Shakespeare. — En.

CHANT QUATRIÈME. 249