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230 MARMION.

Elevé comme je le fus, peux-tu donc exiger de moi l’ouvrage compassé d’un poète classique. Non, Erskine, non ; laisse la bruyère sauvage fleurir sur la colline ; cultive, si tu veux, tes tulipes, taille tes vignes ; mais laisse le chèvrefeuille errer à son gré, et l’églantier croître en liberté. Non, cher ami, non ; puisque tu as daigné quelquefois encourager mes chants par tes louanges, que ta critique éclairée a daigné corriger une pensée triviale ou un vers inutile, écoute-moi avec ta bonté accoutumée, et dans le poète épargne l’ami. Permets à mes vers d’errer en liberté, comme la brise, les nuages et les ruisseaux.

I.

Marmion poursuivit son voyage pendant une longue journée. Le pèlerin le conduisit par les montagnes, dans des sentiers qui traversent d’étroites vallées où serpentent des ruisseaux bordés de bouleaux nains. Ils évitaient les routes de la plaine, de peur des maraudeurs de Morse, qui, dans leur soif du pillage, auraient pu mettre obstacle à leur passage. Souvent ils apercevaient le daim qui, de la cime d’un mont, regardait défiler les cavaliers ; le coq de bruyère s’échappait de son nid sur ses ailes couleur de jais ; le cerf, s’élançant d’une touffe de genêts, n’attendait pas la flèche meurtrière ; et lorsqu’ils pénétrèrent dans le sentier pierreux de la montagne, le ptarmigan aux ailes blanches prit soudain la fuite. Depuis long-temps le soleil avait fourni la moitié de sa carrière lorsqu’ils parvinrent aux hauteurs de Lammermoor de là, se dirigeant vers le nord, ils aperçurent, à l’entrée de la nuit, le hameau et les tours de Gifford.

II.

Personne ne les invita à recevoir l’hospitalité dans le château. Le seigneur de Gifford venait de partir pour le camp du roi d’Ecosse. Restée seule, la prudente châtelaine n’avait garde d’ouvrir son manoir à des inconnus, amis ou ennemis, à une heure si avancée.

CHANT TROISIÈME.