Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/235

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semblaient entassées en désordre ; mais çà et là je rencontrais une verte pelouse formée du plus frais gazon. L’enfant solitaire connaissait les grottes où croissait la giroflée jaune et ces endroits où le chèvrefeuille aimait à se suspendre sur les rochers plus bas et sur une vieille muraille. L’ombrage de ces lieux était pour moi le plus doux de tous ceux que le soleil éclaire dans sa course circulaire, et cette tour chancelante me paraissait le plus grand ouvrage de la puissance humaine. J’écoutais le vieux berger me racontant les exploits de ces maraudeurs du sud, qui portaient leurs ravages jusque sur les monts Cheviot ; et, riches de butin, reprenaient la route de leur demeure qu’ils faisaient retentir du tumulte de leurs cris et de leurs joyeux festins. Je croyais entendre encore le son de la trompette sous les arcades brisées du château, et il me semblait apercevoir de hideuses figures, toutes couvertes de cicatrices, à travers les barreaux rouillés des fenêtres. Puis, pendant l’hiver, autour du foyer, les récits, tantôt gais, tantôt tristes, qui abrégeaient les heures, me parlaient des ruses d’amour, des attraits des dames, des charmes des magiciens, des exploits des chevaliers, des victoires de Wallace et de Bruce, et de ces derniers combats où nos clans d’Ecosse, sortis comme un torrent des Highlands, avaient repoussé les rangs des Habits-Rouges. Etendu tout de mon long sur le plancher, je renouvelais ces guerres, en faisant battre mes cailloux contre mes coquilles. Une seconde fois le lion de la Calédonie mettait en déroute les bataillons du sud.

Je pourrais, en cherchant une saine illusion, peindre toutes ces figures pleines de bonhomie, qui venaient faire cercle autour du foyer du soir. C’était ce vieillard en cheveux blancs qui demeurait dans ce manoir couvert en chaume, sage sans avoir rien appris, simple et bon comme un véritable Ecossais ; son œil, encore vif et perçant, attestait ce qu’il fut dans sa jeunesse, et ses décisions terminaient les différends des voisins, satisfaits d’une justice qu’il ne leur faisait point acheter. C’était notre vénérable ministre, hôte assidu et familier dont les mœurs et ta vie étaient à la fois celles du savant et du saint. Hélas ! souvent mes jeux bruyans et mes espiègleries ont interrompu ses discours ; car j’étais un petit mutin volontaire, capricieux, l’enfant gâté d’une bonne aïeule ; mais, tautôt fâcheux, tantôt excitant le sourire, j’étais toujours souffert, aimé et caressé