Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHANT SECOND 211

du lieu où reposent les justes. Placé sur ce monument que le soleil n’éclaira jamais (comme le prétend la superstition) je verrais le lac soulever les vagues contre ses rives, et le cygne sauvage monter sur l’aile des vents, déployer au milieu des airs ses larges voiles blanches, et descendre par intervalles pour baigner son sein dans l’onde agitée. Enfin, lorsque mon plaid ne suffirait plus pour me protéger contre la grêle, j’irais dans mon ermitage solitaire, allumer ma lampe, tisonner mon feu, et méditer quelque poème romantique ; bientôt je serais abusé par mes propres idées ; le cri lointain du butor viendrait frapper mon oreille comme une voix mystérieuse, et m’annoncer le prêtre magicien réclamant son ancienne demeure. Mon imagination s’occuperait à lui trouver une figure bien étrange et bien farouche ; et m’interrompant moi-même, je sourirais en pensant que j’ai eu peur.

Mais surtout il me serait doux de regarder ce genre de vie, adopté seulement pour fuir les caprices de la fortune, comme un grand acte de courage et de dévouement, un immense sacrifice dont il me serait tenu compte ; et de penser que chaque heure donnée à ces douces rêveries serait un pas de plus dans le chemin du ciel !

Une pareille solitude déplairait à celui dont le cœur est troublé : il a besoin d’aller oublier ses agitations secrètes au milieu de la guerre des élémens ; et mon pèlerin eût préféré quelque demeure plus sauvage et plus triste encore, telle que la soin ire montagne de Lochskene. Là les cris persans de l’aigle retentissent de l’île au rivage ; des torrens roulent avec fracas sur les rochers ; un brouillard éternel infecte les airs, et étend son voile sombre sur le lac, dont les flots courent en bouillonnant se précipiter dans la profondeur d’un abîme. Une vapeur blanchâtre domine ce gouffre : le torrent mugit connue s’il était condamné à arroser la caverne souterraine de quelque démon, qui, soumis par les charrues d’un enchanteur, ébranle en hurlant le rocher qui pèse sur lui. L’aspect du pèlerin eût été en harmonie avec cette scène de terreur : je crois le voir penché sur l’abîme d’où s’échappe la vague écumeuse qui, semblable à la crinière flottante d’un coursier, arrose la vallée de Moffat, après avoir baigné le tombeau du géant.

14.

212 MARMION.