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210 MARMION.

tout à coup sur ses bords, et une légère trace de sable argenté marque à peine le lieu où le flot rencontre la terre. Dans le miroir de ces ondes d’un azur brillant viennent se dessiner les larges traits des collines ; vous ne voyez là ni arbres ni buissons, ni taillis, excepté vers cet endroit où, sur une étroite lisière, quelques pins épars se projettent dans le lac. Cette nudité du site produit aussi son effet, et ajoute à la mélancolie de l’âme. On ne voit ni bosquet ni vallon où puisse respirer un être vivant, ni grotte qui puisse recéler quelque berger ou quelque bûcheron solitaire. L’imagination n’a rien à deviner : on ne voit au loin qu’un désert, et le silence vient encore y joindre son influence mystérieuse…. Quoique les rochers de la colline envoient au lac mille ruisseaux, cependant, aux jours d’été, ils coulent si doucement que leur murmure ne sert qu’à endormir l’oreille. Les pas du coursier qui nous porte nous semblent même trop bruyans, tant est profond le calme qui règne en ces lieux.

Rien de vivant ne vient y distraire l’œil, mais je n’oublie pas que l’asile des morts n’est pas éloigné : au milieu des dissensions féodales, un barbare ennemi a détruit la chapelle de Notre-Dame ; cependant c’est encore sous cette terre sacrée que le paysan va se reposer des fatigues de cette vie. Il demande, avant de mourir, que ses os soient déposés dans le lieu où priaient ses simples ancêtres.

Ah ! si l’âge avait apaisé le combat de mes passions ; si le destin avait brisé tous les liens qui m’attachent à la vie, qu’il me serait doux, ai-je pensé souvent, de venir habiter ici, et d’y relever la maisonnette du chapelain ? elle deviendrait pour moi l’ermitage paisible qui faisait soupirer Milton ? Qu’il serait doux de contempler le coucher du soleil derrière le sommet solitaire de Bourhope, et de dire, en voyant expirer ses derniers rayons sur le penchant de la colline ou sur les ondes du lac : — C’est ainsi que le plaisir s’évanouit ; jeunesse, talent, beauté, c’est ainsi que vous nous laissez tristes, abandonnés et en cheveux blancs ! Qu’il me serait doux d’admirer les ruines de Dryhope et de rêver à la Fleur de l’Yarrow ! Que j’aimerais, en entendant le murmure sourd de la montagne, avant-coureur de l’orage, et le sifflement lointain de ses ailes, aller m’asseoir sur le tombeau du magicien, de ce prêtre dont les cendres furent exilées