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CHANT PREMIER

pleurez ce génie élevé, ce savoir profond, cet esprit aimable qui aimait la fine raillerie, mais qui eût gémi d’abuser de cette arme ; cette sensibilité si vive, cette imagination si brillante, cette puissante raison qui savait tout pénétrer, tout résoudre, tout combiner ; tant de rares qualités sont maintenant ensevelies avec celui qui ne possède plus que cette pierre funéraire. Ô toi qui déplores qu’elles n’aient pu le préserver toujours de l’erreur, écarte toute pensée trop sévère, et respecte le dernier sommeil.

Ici où se terminent toutes les choses de la terre pour les héros, les patriotes, les bardes et les rois ; ici où est immobile et glacé le bras redoutable du guerrier ; ici où sont muettes les lèvres de celui qui sut chanter la gloire de sa patrie, ou parler pour sa défense ; ici où les voûtes sculptées avec art prolongent le son lointain de l’hymne sacré, comme si un ange répétait encore, — Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! — ici dépouillez-vous de toute prévention, si jamais cœur anglais put s’en dépouiller ; loin de vous une partialité injuste, et n’oubliez pas que Fox mourut Anglais !… Lorsque l’Europe rampait sous le joug de la France, que l’Autriche était abaissée, la Prusse abattue, et les généreux desseins de la Russie trahis par un lâche esclave ; Fox, repoussant avec indignation une paix déshonorante, rapporta l’olivier souillé, fut le noble champion de la gloire de sa patrie, et cloua son pavillon aux mâts des navires. Le ciel, pour prix de sa constance, lui accorda sa part de ce glorieux tombeau ; et jamais marbre ne reçut en dépôt la cendre de deux hommes plus étonnans.

Doués de talens plus qu’humains, à quelle hauteur n’ont-ils pas pris leur essor au-dessus de la foule vulgaire ; jamais on ne les vit, comme les ames communes, marcher au pouvoir par d’obscures intrigues ; semblables aux dieux de la fable, leurs puissantes querelles ébranlaient les royaumes et les nations : voyez tout ce que l’Angleterre a de plus noble se ranger avec orgueil sous la bannière de ces rivaux ; on ne prononce plus que les noms de Fox et de Pitt dans le monde britannique. Jamais enchantement n’égala de pareilles réalités, quand même, du fond des ténébreuses cavernes de Thessalie, un magicien aurait pu, par le secours de son art, tarir l’immense Océan, et détourner les planètes de leur sphère. Hélas ! le talisman de ces deux noms s’est perdu quand la source de la vie s’est tarie pour eux :