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CHANT PREMIER

se garantir des frimas : ses chiens ne bondissent plus gaiement çà et là autour du troupeau ; mais, tremblans de froid, ils s’attachent aux pas de leur maître, le suivent lentement, et relèvent timidement la tête chaque fois que l’ouragan redouble de violence.

Mes enfans, quoique robustes, hardis et vifs comme tous les enfans des montagnes, ressentent aussi la triste influence de la saison ; ils regrettent leurs reines-marguerites, racontent leurs jeux d’été, et demandent en soupirant : — Le printemps reviendra-t il encore ? et les oiseaux, et les agneaux retrouveront-ils leur gaieté ? et l’aubépine se couvrira-t-elle encore de fleurs ?

Oui, petits babillards, oui, la reine-marguerite viendra de nouveau décorer vos berceaux d’été ; l’aubépine vous offrira de nouveau ces guirlandes que vous aimez à tresser ; les agneaux bondiront sur la prairie, les oiseaux chanteront aux alentours, et, tant que vous serez gais et folâtres comme eux, les étés vous sembleront trop courts.

Le printemps, ramené par le retour invariable des saisons, donne une nouvelle vie à la matière muette et insensible ; la nature obéit à sa féconde influence, et reparaît dans tout son éclat. Mais hélas ! quel printemps nouveau viendra chasser l’hiver qui règne sur ma patrie !.… Quelle voix assez puissante pourra dire : — Levez-vous, — à ce sage et à ce guerrier ensevelis ? qui nous rendra cette intelligence, sans cesse occupée du bonheur de l’Angleterre, et cette main armée du glaive de la victoire ? Le soleil printanier donne une nouvelle vie à la plus modeste des fleurs ; mais vainement, vainement il brille en ces lieux où la Gloire pleure sur le cercueil de Nelson ! vainement il percera cette obscurité solennelle qui voile, ô PITT ! ta tombe sacrée.

Gravé profondément dans tous les cœurs anglais, que le souvenir de ces noms jamais ne s’en efface. Dites à vos fils : — C’est là que repose le héros qui périt vainqueur sur les flots de Gibraltar ; il lui fut donné de ressembler à la foudre dévorante par sa course rapide, brillante, irrésistible : partout où se levait un ennemi de sa patrie, le bruit de ce tonnerre inévitable se faisait entendre jusqu’à ce que, sur un rivage lointain, le météore ait roulé, éclaté et détruit… pour disparaître à jamais.

Il n’est pas moins digne de nos larmes, ce sage qui commandait à ce guerrier conquérant, et dont la main puissante lança ce foudre de guerre sur l’Égypte, à Copenhague et à Trafalgar.