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DE LA SAINT-JEAN

baron fidèle ! Quelles nouvelles apportez-vous du combat d’Ancram et du vaillant Buccleuch ?

— La plaine d’Ancram-Moor est rouge de sang ; mille Anglais ont mordu la poussière, et Buccleuch nous ordonne de veiller à nos signaux mieux que jamais.

La châtelaine rougit, mais elle ne répondit pas, et le baron n’ajouta rien de plus. Bientôt elle se retira dans sa couche, où elle fut suivie par le baron chagrin.

La châtelaine gémissait en sommeillant, et le baron de Smaylho’me, inquiet et agité, murmurait tout bas : — Les vers rampent sur son cadavre ; la tombe sanglante est fermée sur lui ; la tombe ne peut lâcher sa proie.

C’était bientôt l’heure de matines : la nuit allait faire place à l’aurore, lorsque enfin un sommeil pénible s’appesantit sur les yeux du baron.

La châtelaine regarda de tous côtés dans l’appartement ; à la lueur d’une lampe mourante elle reconnut non loin d’elle un chevalier, sir Richard de Coldinghame.

— Hélas ! dit-elle, éloignez-vous, pour l’amour de la Vierge sainte ! — Je sais, répondit-il, qui dort auprès de toi ; mais ne crains pas qu’il se réveille.

Voici trois longues nuits que je suis étendu dans une tombe sanglante, sous l’arbre d’Eildon ! On a chanté pour le repos de mon âme les messes et l’hymne des morts, mais vainement.

C’est le bras perfide du baron de Smaylho’me qui m’a percé le cœur sur le rivage sablonneux de la Tweed, et mon ombre est condamnée à errer pendant un temps sur la cime du Watchfold.

C’était le lieu de nos rendez-vous ; on m’y verra apparaître chaque soir : mais je n’aurais jamais pu parvenir jusqu’ici sans tes pressantes supplications.

L’amour surmonta la crainte de la châtelaine ; elle se signa le front : — Cher Richard, dit-elle, daigne m’apprendre si ton âme est sauvée ou réprouvée. — Le fantôme secoua la tête.