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LE LAI DU DERNIER MÉNESTREL

xxv.

Les uns entendirent une voix dans la grande salle de Branksome, et les autres virent ce que tous n’aperçurent pas. Cette voix terrible cria d’un ton de maître : — Viens, Gylpin[1] ! — Et à l’endroit que le tonnerre avait frappé, où le page s’était jeté par terre, les uns virent un bras, les autres une main, quelques autres les plis d’une robe flottante. Les convives tremblans priaient en silence, et la terreur était peinte sur tous les fronts. Mais parmi ces guerriers effrayés, nul ne l’était comme Deloraine. Son sang était glacé, sa tête en feu, et l’on craignit qu’il n’eût perdu la raison pour toujours. Il était pâle, ne pouvait parler, avait l’air égaré et ressemblait à ce soldat, dont on conte l’histoire, qui parla au spectre-chien dans l’île de Man[2]. Enfin il dit en frissonnant, et à mots entrecoupés, qu’il avait vu, et vu de ses yeux, un vieillard couvert d’une aumuse et d’un baudrier travaillé en Espagne, comme un pèlerin d’outre mer[3]. — Je sais, dit-il, mais ne me demandez pas comment, que c’est le magicien Michel Scott.

xxvi.

Frappés d’horreur, les convives écoutèrent en frémissant ce récit merveilleux. Pas un mot n’était prononcé, pas un son ne se faisait entendre. Enfin le noble Angus rompit le silence, et promit par un vœu solennel à sainte Brigite-de-Douglas, de faire un pèlerinage à l’abbaye de Melrose, pour apaiser l’âme de Michel. Chaque guerrier, pour rétablir la paix dans son cœur troublé, adressa aussi ses prières à quelque saint, les uns à saint Modan, les autres à sainte Marie-des-Lacs, ceux-ci à la sainte Croixde-Lille, ceux-là à Notre-Dame-des-Iles : tous prirent leur patron à témoin qu’ils entreprendraient tel ou tel pèlerinage, qu’ils feraient sonner les cloches, qu’ils ordonneraient des prières pour le salut de l’âme de Michel. Tandis

  1. Voyez la note 13 sur le chant II. — Ed.
  2. Voyez la note 15. — Ed.
  3. Voyez la stance XIX du chant II. — Ed.