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LE LAI DU DERNIER MÉNESTREL

mante dame, daignez vous arrêter ! Reposez-vous dans le château de Ravensheuch, et ne vous hasardez pas aujourd’hui sur cette mer orageuse ?

La vague noire est bordée d’une écume blanchâtre, la mouette se réfugie sur les rochers solitaires ; les pêcheurs ont entendu l’esprit des eaux dont les cris prédisent le naufrage.

La nuit dernière, le devin de la côte a vu une belle dame enveloppée d’un linceul humide. Restez à Ravensheuch ! Pourquoi traverser aujourd’hui cette mer orageuse ?

Ce n’est point parce que l’héritier de lord Lindesay ouvre un bal ce soir à Roslin ; c’est parce que ma mère est seule dans son château.

Ce n’est point parce qu’on y court la bague, et que Lindesay y brillera par son adresse ; c’est parce que mon père ne trouvera pas de bouquet à son vin, s’il n’est versé par Rosabelle.

Pendant cette nuit horrible, on vit briller sur Roslin une flamme surnaturelle. Elle s’étendait plus loin que celle des feux qui servent de signaux, et elle était plus rouge que les rayons brillans de la lune.

Elle se réfléchissait sur le château de Roslin, situé sur le sommet d’un roc, et jetait une lueur de pourpre sur le taillis de la vallée. On la voyait des bosquets de chênes de Dryden et du fond des cavernes de l’Hawthornden.

On croyait voir en feu cette chapelle orgueilleuse où les Chefs de Roslin reposent sans cercueil, l’armure de fer de chaque baron lui servant de drap funéraire.

On croyait voir en feu la sacristie, et jusqu’à l’autel même. La flamme semblait jaillir des colonnes sculptées en feuillage, et des trophées d’armes des anciens guerriers.

Bastions, murailles, tourelles, tout semblait embrasé. C’est ce qui arrive encore quand le destin menace les jours d’un descendant de la noble famille Saint-Clair.

Vingt barons de Roslin sont ensevelis dans l’orgueil-