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LE LAI DU DERNIER MÉNESTREL

cheveux noirs flottaient sur son cou d’albâtre, et la pâleur de ses joues charmantes annonçait la mélancolie de l’amour. Négligemment couverte d’une longue robe blanche, elle appuyait sa tête sur une de ses mains, et lisait d’un air pensif, sur des tablettes d’ivoire, des vers qui semblaient pénétrer au fond de son âme. Ces vers étaient des chants d’amour de Surrey ; cette beauté enchanteresse était lady Géraldine.

xix.

De sombres vapeurs couvrirent peu à peu la surface du miroir, et firent disparaître cette vision délicieuse. Tels furent les nuages que l’envie d’un roi fit planer sur les plus beaux jours de mon maître. Tyran injuste et barbare, puisse le ciel venger sur toi et sur les derniers de tes descendans les caprices féroces de ton despotisme, ton lit nuptial ensanglanté, les autels que tu dépouillas, le sang de Surrey que tu fis couler, et les pleurs de Géraldine ! —

xx.

Les Chefs des deux peuples donnèrent de vifs applaudissemens aux chants de Fitztraver ; le nom de Henry était odieux aux Calédoniens, et les Anglais étaient encore fidèles à leur ancienne foi. Rose Harold, barde du brave Saint-Clair, — de Saint-Clair qui, étant venu faire une visite d’ami à lord Home, l’avait accompagné à la guerre, se leva alors avec un air de dignité. Harold était né dans ces lieux où la mer, sans cesse tourmentée par les tempêtes, mugit autour des Orcades. C’est là que les Saint-Clairs régnaient autrefois en princes sur les grandes et les petites îles, sur les baies et les détroits. Les ruines de leur palais, de ce palais autrefois ton orgueil, maintenant l’objet de tes regrets, ô Kirkwall, annoncent encore leur ancienne puissance. Harold regardait souvent la mer furieuse soulever ses vagues, comme si le bras courroucé d’Odin les eût agitées ; la pâleur sur le front et le cœur palpitant, il suivait des yeux le navire qui luttait contre