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LE LAI DU DERNIER MÉNESTREL

fut déposé sous la nef élevée d’Holme Coltrame, dans la sépulture de ses pères.


Le barde avait cessé de chanter, mais les cordes de sa harpe faisaient encore entendre les sons d’une marche funèbre. Ses accords variés avec art, semblaient partir tantôt de loin, tantôt de près, s’affaiblir par degrés, et soudain devenir plus sonores. C’était un torrent descendant avec fracas du haut des montagnes, et puis ne faisant plus entendre qu’un doux murmure au fond de la vallée. Il imitait tour à tour les airs mélancoliques des bardes, les chants solennels de l’église, et il finit par le chœur des prêtres qui fermaient la tombe du guerrier.

Après quelques instans d’intervalle, les dames lui demandèrent pourquoi un ménestrel si habile sur la harpe, errait ainsi dans un pays trop pauvre pour récompenser dignement ses talents, pourquoi il n’allait pas dans les contrées du sud, où sa main habile trouverait un appui plus généreux.

Quelque chère que lui fût sa harpe, son unique amie, le vieux ménestrel n’aimait pas à lui entendre donner une préférence si marquée sur ses chants : il aimait encore moins qu’on parût rabaisser la patrie qu’il chérissait tant, et il prit un ton plus élevé pour continuer ses poétiques récits.

CHANT SIXIÈME.

i.

Est-il un homme dont l’âme soit assez insensible pour ne s’être jamais dit : — Voici ma patrie ! ma terre natale ! Est-il un homme qui n’ait pas senti son cœur s’enflammer quand après avoir erré dans des contrées étrangères, il