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CHANT TROISIÈME.

il mit le feu à la mèche de son mousquet, et le blessa grièvement. On aurait peine à s’imaginer tous les méchans tours qu’il jouait dans le château, où l’on commençait à croire que le jeune baron était possédé.

xxii.

Sans doute que la noble dame aurait bientôt détruit le charme ; mais elle n’était alors occupée que des soins qu’exigeait la blessure de Deloraine : elle avait été bien surprise de le trouver étendu près du seuil de sa porte ; elle pensa d’abord que quelque esprit aérien avait mal traité le maraudeur, parce qu’au mépris des ordres qu’elle lui avait donnés il avait peut-être voulu lire dans le livre magique ; mais la lance rompue était encore dans sa blessure : elle reconnut que c’était la lance d’un ennemi.

xxiii.

Elle en retira le tronçon, arrêtant par un charme le sang qui coulait encore ; puis elle fit laver et bander la plaie, et laissa Deloraine sur la couche où elle l’avait fait placer ; mais elle avait pris le fragment de l’arme fatale, elle en essuya le sang, et le frotta d’un baume précieux. Tandis qu’elle s’occupait de cette opération, William Deloraine souffrait comme si l’on eût sondé sa blessure. Cependant la duchesse annonçait à ses femmes qu’il serait guéri dans un jour et une nuit. Elle n’épargna aucune peine, car elle prenait l’intérêt le plus vif à un ami si brave et si fidèle.

xxiv.

La journée se passa ainsi. Le soir arriva, et amena l’instant où l’on allait sonner le couvre-feu. L’air était doux, toute la nature était calme, le fleuve roulait paisiblement ses ondes, une rosée embaumée tombait du ciel, et la sentinelle, placée sur le haut de la tour, se félicitait de la beauté de la nuit. La belle Marguerite jouissait plus que personne de cette heure de paix et de silence. Seule, assise sur le haut d’une tour, elle pinçait son luth, chantait quelques airs tendres et dans les intervalles pensait au bosquet d’aubépine. Ses cheveux d’or étaient dégagés